Saturday, December 31, 2011

Les dernières plages sauvages de Maurice menacées de « développement »

1. LA CAMBUSE
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Jusqu’à leur départ définitif de l'île le 31 mars 1976, c’est sur la plage sauvage de la Cambuse que les fonctionnaires britanniques de l’administration coloniale, basés à Vacoas sur les hauts plateaux, venaient passer le week-end.

Un conglomérat mauricien va aujourd’hui la « développer ». Pour cela, il a acquis plusieurs terrains agricoles à l’arrière de la plage. Il ne lui manqua plus qu’à demander à l’état de modifier le statut public de la plage en plage privée à bail. Classique.





Comme c'est de plus en plus fréquent (Bel Ombre, St Félix, Trou aux Biches), le tracé historique de la route côtière sera dévié loin a l'intérieur des terres: d'une part le promoteur obtient de l'état un terrain plus grand d'un seul tenant, d'autre part les Mauriciens sont repoussés loin de la mer.

La Cambuse se transformera donc en "Cambuse Village Resort": trois hôtels dits « de luxe » de plusieurs centaines de chambres, un grand centre commercial avec parking géant et des dizaines de maisons pour étrangers, dites « villas IRS ».

Mise à jour
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Juin 2015: le gouvernement vient de donner son feu vert à la construction d'un hotel de 224 chambres, sur 33 arpents, à cheval sur la plage des garde-cote et celle de la Cambuse:
- les bâtiments en béton couvriront 19,967m2
- ils feront jusqu'à 11,9m de haut (3 niveaux en béton).
- à l'occasion de la démolition des bâtiments et routes actuels, 2,500m3 de gravats seront générés, en partie utilisés sur place comme fondation, en partie jetés sur un site, pollué à cette occasion.

Ci-dessus: vue aérienne du site;





Ci-dessus: la Cambuse en 1968 et 2004: rien n'a changé

2. OMNICANE / MON DESERT-MON TRESOR
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Juste à côté, à Mon Désert-Mon Trésor, un autre conglomérat mauricien prévoit un « développement » sur 700 arpents (plus de 300 hectares). Le long de la plage, déserte jusqu’ici, pousseront donc deux grands hôtels de plusieurs centaines de chambres, des « villas » IRS, des restaurants, un parcours de golf, le tout réservé aux seuls étrangers fortunés. 

Mise à jour:
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12 juin 2015: lancement officiel de la ville voisine construite par le même conglomérat. Elle s'étalera tout autour de l'aéroport, détruira le vieux village sucrier de Mon Desert et ira jusqu'à la mer. La ville  se composera d'immeubles en béton, sur une superficie de... 4,810,000 m2 (quatre MILLIONS huit cent dix mille metres carrés).  

 La plage de Mon Désert-Mon Trésor

Les champs de canne à sucre, à Mon Désert-Mon Trésor:
 bientôt transformés en un énième parcourt de golf?

3. SAVINIA
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Enfin, encore un peu plus loin vers l’ouest, à Savinia, lieu idyllique en dehors du temps, peuplé de bœufs paisibles et de nobles badamiers, un autre conglomérat mauricien cherche en ce moment même des partenaires étrangers afin de transformer une superbe plage déserte pour de riches acquéreurs étrangers.

Ci-dessus: la partie du littoral sud encore vierge de constructions


L'exemple de Savinia:


Photos ci-dessus, Savinia:
la future marina, les futurs hôtels, la future plage artificielle...

Savinia est une ancienne plantation de canne à sucre.

Depuis longtemps annexée par d’autres sucreries, le domaine comprend de nombreux vestiges du passé, comme sa grande cheminée en pierre de taille du XIXe siècle, vestige du vieux moulin à canne, et les ruines bien conservées de la maison de maître, en pierres de taille finement agencées. Au pied de la demeure, les énormes colonnes de la varangue, éparpillées sur la pelouse, attendent depuis des dizaines d’années à être redressées.

Savinia a pour écrin un isolement qui n’existe plus ailleurs à Maurice, une tranquillité hors du temps qu’il faut à tout prix préserver de projets pharaoniques, hors contexte sur cette petite île qui n’en demandait pas tant. Car les promoteurs veulent remplacer la nature paisible de Savinia par les constructions suivantes :
  • 1 plage artificielle
  • 1 marina artificielle
  • 1 lac artificiel pour sports nautiques
  • 3 grands hôtels
  • 206 “villas” IRS pour étrangers
  • 1 clinique spécialisée
  • 1 centre de thalassothérapie
  • 1 centre de conférence
  • 1 golf  18 trous
  • 125 hectares "développés"



PUBLIC / PRIVE:
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Le problème est le même qu'il s'agisse d'un terrain public ou d'un bien privé.

En effet, les conditions initiales d'achat des terrains empêchaient de tels développements: il s'agit de terres agricoles (champ, bois ou pâturage), achetées une fraction du prix d'un terrain résidentiel, ne devant pas être construite. Si les "développeurs" payaient un droit de conversion au prix du marché, aucun projet IRS ou de smart city ne pourrait se faire.

Mais de toutes façons, ces terrains doivent demeurer vierges, car Maurice ressemble de plus en plus à betonland et la qualité de vie s'en ressent. Les Mauriciens ont trop à y perdre. Une plage sauvage est un luxe bien plus grand que n’importe quelle construction qu’on pourrait y faire.

Laissons Maurice tranquille! 

2 comments:

  1. Il y a à peu près 2 ans, le 2 mai 2010, fut publié un billet intitulé “IRS Land” qui commençait par une photo : celle du “Bassin Carangue*”, à Savinia justement.
    http://mauricianismes.wordpress.com/2010/05/02/irs-land/

     

    * Si tant est que ce petit bout de lagon très agité porte bien ce nom qu'il me semble avoir vu quelque part...

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  2. C'est vrai qu'il y a déjà à Maurice bon nombre de magnifiques hôtels. Pourquoi détruire un coin de nature pour en ajouter de nouveaux ?
    Mauricien, protégez votre patrimoine, gardez ces zones sauvages.

    Véronique, de France

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