Cette prestigieuse maison de Port-Louis fut probablement construite à la fin du XVIIIe siècle. Elle se trouve dans le quartier de la ville qui comptait les plus grandes et belles demeures de l’époque, le Quartier du Rempart. La rue où se trouve la maison s’appelait d’ailleurs rue du Rempart, aujourd’hui il s’agit de la rue Edith Cavell.
Construite sur deux étages, sous un grand comble de bardeaux à quatre pans, elle est entourée de deux hautes varangues soutenues par 72 colonnes, toscanes au rez-de-chaussée, ioniques à l’étage.
Jean-Baptiste Lebreton de la Vieuxville et son épouse Louise de Rune possédaient la maison. Leur fille Marguerite épousa Adrien d’Epinay. Propriétaire de la propriété sucrière d’Argy, dans l’est de l’île, Adrien d’Epinay vécut rue du Rempart jusqu'à son départ pour Londres où il se fit avocat des planteurs blancs. Ces derniers réclamaient à la métropole britannique une compensation financière au moment de l’abolition de l’esclavage en 1835. Il légua sa bibliothèque de plus de 5000 volumes à l’Institut de Maurice. Son petit-fils était le sculpteur Prosper d’Epinay, auteur de la célèbre statue de Paul et Virginie.
Le 17 août 1891, c’est dans cette maison que naquit le « prince des poètes » de l’île Maurice, Robert Edward Hart de Keating. Ce dernier passa la majeure partie de sa vie à la Nef, sa maison de corail sur la plage de Gris-Gris. Apres sa mort en 1954, la Nef et tout son contenu (meubles anciens, bibliothèque) sont légués à l’état mauricien, qui la fit raser dans les années 2000 pour y construire un pastiche en béton.
La maison de la rue Edith Cavell, classée monument historique, est également léguée à l’état mauricien. Une école s’installe dans ses murs. Soudain, en novembre 2006, l’état décide la destruction de la maison historique, pour construire à la place un immeuble en béton.
L'etat mauricien a ordonné la démolition d'une maison coloniale classée
qu'il etait censé protéger pour les générations futures,
comme le rappelle cette plaque apposée sur le bâtiment.
qu'il etait censé protéger pour les générations futures,
comme le rappelle cette plaque apposée sur le bâtiment.
La démolition commence en catimini, une forte équipe de démolisseurs est à l’œuvre. Par hasard, un passionné du patrimoine passe devant le chantier de démolition, qui suscite l’indifférence des passants. La résistance s’organise dans l’urgence, on obtient une injonction de la cour de justice de Port-Louis pour faire stopper la démolition.
Mais les dégâts sont déjà considérables : tout le toit d’origine et ses poutres de plus de dix mètres de long, les portes-fenêtres cintrées a persiennes du XVIIIe siècle, les volets en teck, les barres anti-cycloniques, tout le décor intérieur (planchers a chevrons en bois précieux, damier en marbre polychrome du vestibule), le superbe escalier tournant en acajou : tout a disparu, emporté par le démolisseur.
Rien n’a était entrepris depuis par l’état pour récupérer les éléments d’origine en vue d’une reconstruction a l’identique.
Ironie du sort: quand l'etat fit détruire le palais, celui-ci servait d'école, sous la houlette du Ministere de l'Eductation: quel exemple pour ces jeunes ecoliers, à qui l'état mauricien montre que le patrimoine n'a aucune valeur.
Buste d'Adrien d'Epinay (collection privée - ile Maurice)
2011 : cinq ans après, le long de la rue Edith Cavell, de pauvres feuilles de tôle cachent les murs d’enceinte bi-centenaires éventrés. Ce qui reste de la maison s’abîme tranquillement à l’ombre d’un gigantesque lilas de Perse.
Triste sort que celui de ce superbe palais colonial, coque vide perdue dans un Port-Louis recouvert de béton.
Ci-dessous un article de journal narrant la lutte pour obtenir l'arrêt de la démolition:
C'est très triste de voir que l'etat Mauricien ne respecte pas son patrimoine...(
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