Port Louis de l’île Maurice, début 2012
Bolfam' Cartron
Il est midi ce lundi de février. La chaleur est accablante. Les Port-Louisiens transpirent à grosses gouttes. Les motos pétaradent dans les rues. Les bus balancent leur fumées toxiques comme un cathéter sa chimiothérapie.
Elle est accroupie à même le trottoir de guingois, dans la puanteur des pots d’échappement. Elle porte un pull bien trop chaud pour la saison, mais c’est tout ce qu’elle a.
Bolfam’ Cartron fouille dans les détritus du Central Electricity Board, rue Desforges. Regard hagard, cheveux défaits, son regard erre sans rien voir entre un empilement de bouteilles de coca-cola et son unique bien, un gros carton made in China.
Bolfam’ Carton , Port-Louis : un même destin.
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Assurances Swan et Anglo Mauritius, Groupe CIEL, Espitalier Noel Limited, Garden Tower
Camion de ciment dans les rues de Port Louis
Plus haut et ci-dessus: Harbour Front Building, Rogers
3 photos précédentes: façades en béton centre commercial « Caudan Waterfront », construit dans les années 1990 et 2000 à la place d’entrepôts centenaires en pierre de taille.
La "luxueuse" marina du Caudan est encombrée d'immondices, surtout du plastique
Habitation "de luxe" dans Port Louis
Bolfam' Cartron, Rue Desforges
En bas à gauche de la photo, sous la poussière, on devine la pierre de taille qui suit la courbe de la route : indication de la présence d’une maison coloniale démolie, transformée en terrain vague.
Le vert omniprésent du Port Louis d’autrefois a disparu :
plus de palmiers, plus de manguiers centenaires à l’ombre rafraîchissante.
La chaleur est intenable, relayée par l’asphalte des rues et des toits terrasses,
le béton des façades et les turbines des climatiseurs,
les moteurs des voitures et leurs gaz d’échappement.
La rue Desforges, rebaptisée "Sir Seewoosagar Ramgoolam Avenue" dans les années 1980
Près de la Citadelle,
encore un projet "prestigieux" dans une ruelle large de 5 mètres à peine...
Photos précédentes: l'intégralité des trottoirs de Port Louis,
réalisés aux XVIIIe et XIXe siècles, étaient en pierre de taille, tirés au cordeau.
On les remplace petits à petit soit par ce que l’on voit sur ces photos,
soit on les modifie complètement en réutilisant les pierres existantes après la construction d’un building.
Rue Rémy Ollier
L'Immeuble Emmanuel Anquetil (ci-dessus, vers 1975)
regroupe un grand nombre de ministères.
A cet emplacement se trouvait une superbe maison coloniale reputée pour ses escaliers.
3 photos précédentes:
Construit à la place d'une grande maison coloniale,
le Centre Renganaden Seenevassen regroupe un centre commercial
et des bureaux de l'administration mauricienne
Ci-dessus: l'immeuble aux carreaux rouges (précédemment jaunes) a longtemps abrité le greffe de Maurice, à l'arrière plan, un immeuble flambant neuf a remplacé une prestigieuse maison coloniale d'une des plus belles rues du Port Louis d'autrefois, la rue Pope Hennessy
Cet énorme immeuble des années 2000, situé Place de la Cathédrale, regroupe un Kentucky Fried Chicken et des bureaux, dont le siège de la Banque des Mascareignes à Maurice (Groupe Caisse d'Epargne)
Immeuble datant de 2010 rue Sir William Newton (anciennement de l'Eglise)
L'immeuble bleu abrite les bureaux de nombreux avoués et avocats.
Les terrains vagues, emplacements des maisons coloniales démolies,
se multiplient partout dans la ville
Ci-dessus : la Rue William Newton regroupe le siège de la plupart des banques de l'île.
Elle s'appelait autrefois rue de l'Eglise.
95% des bâtiments coloniaux qui la bordaient ont été démolis
et remplacés par de grands immeubles en béton.
Papiers, détritus en tous genres, ordures et odeurs associées
sont le quotidien de la capitale mauricienne.
Ci-dessus: Immeuble de la Banque de Maurice, rue Royale (construit en 2006)
Ci-dessus: l'immeuble de la Sate Bank of Mauritius a été construit en 1993
à la place de l’Imprimerie du Roy, bâtie vers 1735 par Mahé de Labourdonnais.
Rien n’a pu empêché la démolition, pas même le sacrifice d’un célèbre prêtre catholique de l’île un peu original qui proposait de s’enchaîner au bâtiment en pierre de taille, l’un des plus vieux de Maurice.
L'état propriétaire décida sa destruction. L'armée de tractopelles qui a démoli l’édifice a poussé les pierres vieilles de 250 ans dans la rade. Elles gisent aujourd’hui sous l’eau, au pied de la statue de l’homme à qui elles devaient d’avoir été taillées.
Cet immeuble fut vert, puis bleu. Maintenant il est rose. Peut-être rouge ensuite?
Ci-dessus: Building en béton construit en 2003 à la place d’un prestigieux immeuble en pierre de taille des années 1910. Hautes ouvertures cintrées, balcon filant en fonte, parquet aux larges planches de bois précieux : c’était un édifice colonial typique du quartier commerçant de la Chaussée, remanié à cette époque qui marque l’apogée de la maîtrise de la pierre de taille à Maurice..
Construit vers 2008-10
Au fond: deux buildings construits en 2011-12
Ci-dessus: portion encore debout de la grille de la maison coloniale à la place de laquelle furent construits les buildings de la photo précédente.
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Combien de bâtiments anciens reste-t-il dans ce Port-Louis qui fut l’une des plus belles villes coloniales du monde ? 5% ? Moins ? Ces maisons en bois qui vous regardent avec bienveillance, leur laissera-t-on une chance de survie ?
Car Port Louis, c’etait… ca !:
XIX siècle
Vers 1973
Port Louis la coloniale est demeurée presque intacte pendant deux siècles. Jusque dans les années 1970, la ville aurait largement mérité un classement au patrimoine mondial de l’humanité pour son immense richesse architecturale, des trottoirs aux réverbères, des balcons aux combles de bardeaux, des jardins intimes aux places patriciennes, avec ses iwans et ses nefs, ses rues à colonnades et ses varangues ouvragées, ses fontaines de bronze au détour de hautes porte cochères. Tout cela a disparu.
Unique au monde dans son harmonieuse diversité, Port Louis fut assassiné par ses propres enfants au tournant du XXIe siècle.
Unique au monde dans son harmonieuse diversité, Port Louis fut assassiné par ses propres enfants au tournant du XXIe siècle.
This is a very sad pictorial account of the decline into visual squalor of a city that is blessed with a spectacular natural setting and that was until quite recently graced with some of the prettiest buildings you could hope to find anywhere on the planet. There seems to be no room for sensitive design, well-thought-out architecture or respect for Mauritian heritage (or even for people) in this headlong rush to turn Port Louis into a shoddy imitation of a Chinese city. No wonder with this proliferation of concrete and steel, of tarmac car parks replacing gardens and trees, the city grows hotter and more unbearable by the year.
ReplyDeleteIt is depressing beyond words, but if your blog helps to change minds and inspire action then you will deserve fervent thanks from future generations.