Monday, January 30, 2012

Le village de Bambous défiguré par le béton, le bâtiment colonial du tribunal en danger de démolition


Bambous est un village de l’ouest de l’île qui comporte/comportait de nombreux éléments architecturaux anciens de qualité :
-        une église en pierre de taille sous comble de bardeaux,
-        une cheminée d’usine en pierre de taille
-        un poste de police à étage en pierre de taille sous bardeaux
-        un tribunal comprenant de nombreux bâtiments en bois et pierre de taille
-        des logements de fonctionnaires en bois sous combles de bardeaux
-        une école comprenant plusieurs bâtiments en pierre de taille

 
Ci-dessus: le "District Court"

 
 Ci-dessus: habitations coloniales, propriété de l'état mauricien

L'école

L’ensemble cour de justice / poste de police / école / logements, construit au XIXe siècle sur un vaste terrain arboré de plusieurs hectares, est une rareté dans l’île Maurice d’aujourd’hui. Malheureusement, l’état mauricien, pour qui le patrimoine ne veut rien dire, fit démolir le beau bâtiment de la police en 2010. Un tas de pierres taillées à la main il y a plusieurs siècles gît toujours devant l’affreuse construction en ciment qui accueillera les fonctionnaires de police d’ici peu. Bel exemple pour les écoliers de l’école publique attenante, à qui l’état montre que les bâtiments anciens ne valent rien.



2011: destruction de la police


2012: à gauche: gravats du bâtiment colonial de la police, 
à droite: le nouveau bâtiment en béton

La douzaine de bâtiments coloniaux annexes (district court, bureaux, maisons d’habitation) sont en grand danger d’être démolis dans les prochains mois. Le bâtiment de la « district court » a d’ailleurs été abandonné, comme l’annonce un morceau déchiré de contre-plaqué grossièrement rédigé. Derrière un grillage moderne, tordu et rouillé, la belle maison coloniale centenaire se détériore un peu plus chaque jour en attendant sa démolition.

 

Le village lui-même s’est radicalement transformé depuis une vingtaine d’année : disparition des plantes et jardins, construction de « bâtiments » en béton sans norme architecturale de deux, trois ou quatre étages, et même un tout récent lotissement (sans norme architecturales à respecter) réalisé tout autour de la vieille cheminée à sucre. Les propriétaires des terrains jouxtant la rivière ont construit d’énormes bâtiments en béton brut au plus près du bord, pratiquement dans l’eau, coupant les arbres, transformant le paysage champêtre en zone industrielle digne d’un bidonville.

La Route Royale de Bambous en 2012.

Ce n'est pas la pauvreté qui explique cette vision d'horreur, mais au contraire:
1/ la richesse relative des propriétaires
2/ le fait que l’état n’impose aucune norme architecturale ni ne contrôle l’occupation des sols
3/ l'absence totale de culture du beau tant dans la population mauricienne qu'au sommet de l'état.

Un navet datant des années 1980 fut tourné à Maurice, Jane and the lost city, avec l’acteur principal du film Flash Gordon, Sam Jones, et la célèbre actrice américaine Maud Adams. Aucune scène du film ne pourrait plus être tournée aujourd’hui, tant l’île est méconnaissable. A Bambous, des crocodiles en plastique poursuivaient les héros dans des pirogues le long de la rivière, donnant une illusion de forêt vierge africaine. Aujourd’hui, à la place des arbres centenaires dont les branches caressaient la rivière, d’énormes cubes en parpaings de ciment non crépis composent le décor de la campagne mauricienne.

Arbres centenaires plantés par l'administration coloniale.

Vue partielle du village de Bambous: tout le vert est menacé

Qu’il s’agisse des villageois ou de l’état, le sort de Bambous est le même : toujours plus de béton, toujours moins de beauté.

Maurice est un pays riche. L’état est riche, les Mauriciens ont un accès facile aux matériaux de construction. On construit donc à tour de bras. En béton. Uniquement en béton. On empile des parpaings sans se poser de question, sans plan, sans norme architecturale, sans rapport avec le style mauricien qui n’existe plus. Le patrimoine, mot inconnu sous cette latitude, en fait les frais. Les paysages sont de moins en moins verts, de plus en plus gris. Et ce mouvement a tout de l’inéluctabilité.  

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